Par Katherine d’Entremont, commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick

Dans cet article, la commissaire aux langues officielles, Katherine d’Entremont, aborde la question des niveaux de compétence en langue seconde. Elle exhorte le gouvernement provincial à publier les niveaux de compétences linguistiques requis dans tous les avis de concours exigeant le bilinguisme.

Lorsqu’un poste exige le bilinguisme, on pense souvent, à tort, que cela signifie une maîtrise complète du français et de l’anglais. En fait, différents postes requièrent différents niveaux de bilinguisme. C’est la nature de l’emploi et des activités de communication connexes qui déterminent généralement les compétences exigées (parler, lire et écrire) et le niveau de compétence requis dans l’une ou plusieurs de ces catégories. 

Une question de niveaux

Le ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du Nouveau-Brunswick (MEPFT) est responsable d’évaluer les compétences linguistiques des fonctionnaires et des candidats à des postes gouvernementaux. Pour évaluer la compétence orale dans chacune des deux langues officielles, le ministère utilise une échelle qui compte plusieurs niveaux. Voici un aperçu des principaux niveaux, préparé à l’aide de la documentation gouvernementale (voir la référence 1).

• Au niveau de base (1), la personne peut donner des directives ou des instructions simples. Ainsi, un employé de bureau pourra informer une personne qu’un agent de programme est absent et lui proposer les services d’un autre employé. 

• Au niveau intermédiaire (2), la personne peut notamment donner des explications simples et raconter des événements au passé, au présent et au futur. Par exemple, un gestionnaire sera capable d’expliquer à un collègue la marche à suivre pour embaucher un employé temporaire.

• Au niveau avancé (3), la personne peut donner des explications et des descriptions détaillées. Elle peut aussi soutenir une opinion, exprimer un point de vue et justifier une mesure. À ce niveau, un haut fonctionnaire pourra présenter les caractéristiques d’un nouveau programme à un groupe de personnes et répondre à leurs questions.

• Enfin, au niveau supérieur (4), la personne peut persuader et négocier. Elle peut nuancer son discours et s’exprimer avec subtilité. Par exemple, un avocat pourra défendre son client dans une poursuite judiciaire. Un directeur des ressources humaines sera en mesure de diriger l’équipe de négociation d’une convention collective.

Quel est mon niveau?

Au Nouveau-Brunswick, toute personne peut obtenir une évaluation de ses compétences linguistiques en communiquant avec les Services linguistiques du MEPFT (voir la référence 2).

L’évaluation de la compétence orale évalue l’habileté générale à communiquer dans des situations professionnelles et sociales. La méthode d’évaluation est la même qu’il s’agisse de l’évaluation du français ou de l’anglais. Elle consiste en une conversation téléphonique de 20 à 40 minutes entre la personne évaluée et un évaluateur certifié. Au cours de cette conversation, l’évaluateur augmente progressivement le niveau de difficulté de la conversation jusqu’à ce qu’il atteigne le niveau de compétence de la personne évaluée. Cette dernière reçoit par la suite un certificat indiquant le niveau de compétence qu’elle a atteint.

Les niveaux de compétence en langue seconde chez les élèves des programmes d’immersion et de français intensif

Au niveau scolaire, l’échelle de niveaux utilisée pour l’évaluation de la compétence orale des élèves d’immersion et de français intensif est très similaire à celle du MEPFT décrite plus haut.

À la suite de l’évaluation, chaque élève reçoit un certificat qui précise le niveau de compétence qu’il a atteint lors de son évaluation en langue seconde. Ainsi, le certificat n’indique pas tout simplement par un « oui » ou « non » si l’élève est bilingue.

Le certificat en langue seconde que reçoit un élève ne marque certainement pas la fin de son apprentissage de cette langue. En effet, parmi les élèves qui poursuivent des études postsecondaires, bon nombre d’entre eux reconnaissent aussi l’importance de perfectionner leur langue seconde au collège, à l’université ou dans d’autres secteurs d’activité. Grâce à la base solide acquise à l’école et à la poursuite de leur apprentissage, ils sont en bonne posture pour accéder aux emplois qui exigent des compétences dans les deux langues officielles, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé.

Emplois gouvernementaux bilingues : quel niveau de bilinguisme est suffisant?

Il y a quelques années, le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a mené une étude sur le recrutement de personnel bilingue dans la fonction publique provinciale (voir la référence 3). Nous avons alors souligné que les ministères provinciaux ne publient pas le niveau de compétence requis dans les offres d’emploi exigeant le bilinguisme alors que toutes les autres compétences essentielles sont clairement indiquées. Cette pratique est pour le moins surprenante. En effet, en ne publiant pas le niveau de bilinguisme recherché, les candidats ne peuvent pas savoir s’ils ont les compétences nécessaires. Nous entendons souvent parler de candidats qui pourraient avoir les compétences linguistiques nécessaires, mais qui décident de ne pas présenter leur candidature car ils pensent, à tort, ne pas être « assez bilingues ». Ne pas publier le niveau de bilinguisme requis est l’équivalent de devoir passer un examen sans connaître la note de passage.

La pratique actuelle de ne pas publier le niveau de bilinguisme requis nuit à la transparence du processus de recrutement et laisse planer un doute sur l’équité du processus. En effet, faut-il comprendre que le niveau de compétence requis sera ajusté en fonction des candidatures reçues? Faut-il comprendre que les exigences linguistiques pourraient être modifiées afin qu’elles correspondent à un candidat qui satisfait à la plupart des exigences du poste, mais qui n’a pas le niveau de bilinguisme requis? 

Dans la fonction publique fédérale, les niveaux de compétence requis dans chacune des deux langues officielles sont clairement énoncés dans les avis de concours. Les règles sont donc claires. Il est grand temps que le gouvernement du Nouveau-Brunswick en fasse autant.

Références

1 et 2 : Évaluation des compétences linguistiques – site Web du ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail du Nouveau-Brunswick.

3 Rapport annuel de 2013-2014 du Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, pages 16 à 34.