La lettre d’opinion ci-dessous a été envoyée aux quotidiens du Nouveau-Brunswick le 8 juin 2023 par la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Shirley C. MacLean, c.r.
J’ai pu écouter le débat devant le Comité permanent de la politique économique lorsque le premier ministre Blaine Higgs a présenté ses modifications au projet de loi 37 – Loi concernant la Loi sur les langues officielles. J’ai été heureuse de constater que le gouvernement a décidé de rétablir la révision décennale de la Loi sur les langues officielles qu’il avait annulée dans le projet de loi initial. Cependant, les modifications relatives au rapport annuel du commissaire aux langues officielles me laissent perplexe et m’inquiètent.
La Loi sur les langues officielles actuelle exigeait que le commissaire dépose et présente à l’Assemblée législative un rapport annuel « d’activité du commissariat ».
Les modifications proposées exigeront désormais que les renseignements suivants figurent dans notre rapport annuel : la nature des plaintes, le type de plaintes, si une enquête a été menée à la suite d’une plainte ou à l’initiative du commissaire et « le nombre de fois qu’une plainte particulière a été déposée par le même plaignant. »
Je ne sais pas quelles préoccupations le gouvernement cherche à apaiser en incluant ces exigences. Actuellement, notre rapport annuel contient des renseignements détaillés sur le type de plaintes déposées, y compris l’institution gouvernementale faisant l’objet de la plainte. Nous fournissons également des statistiques détaillées sur les types de plaintes par type de service, par exemple si l’incident concerne des services en personne, des services en ligne, etc. Nous donnons des renseignements sur les plaintes recevables déposées par région de la province. En outre, nous indiquons également si l’enquête est menée à l’initiative du commissaire.
Permettez-moi également de préciser que le paragraphe 43(10) de la Loi sur les langues officielles permet et exige que le commissaire mène des enquêtes « de sa propre initiative ».
La disposition obligeant notre bureau à divulguer des détails supplémentaires sur certains plaignants me préoccupe. Les personnes qui déposent une plainte ont le droit de rester anonymes. Notre bureau ne divulgue pas leurs noms et préservera leur vie privée. Le droit des plaignants de rester anonymes et de voir leur identité protégée existe dans de nombreux contextes, tels que les enquêtes sur le lieu de travail, les dénonciations, les enquêtes sur les droits de la personne, etc. Ce droit garantit en partie que les plaignants ne feront pas l’objet de représailles ou de harcèlement. Lorsque les plaignants ne sont pas tenus de révéler leur identité, ils peuvent se sentir capables de révéler plus de renseignements sur une situation qu’ils ne l’auraient fait autrement, de sorte que la situation puisse être résolue plus rapidement. L’intention derrière cet amendement n’est pas claire.
Je pense à la situation des patients atteints de maladies chroniques qui se rendent régulièrement dans des hôpitaux ou des cliniques pour y être soignés et qui ne reçoivent pas de services dans la langue officielle de leur choix. Ils ne veulent pas révéler leur identité pour ne pas être « montrés du doigt » ou être considérés comme des fauteurs de troubles. Mais ils veulent que nous les aidions à obtenir le service dans la langue de leur choix.
Ce n’est pas parce qu’une même personne se plaint que ses droits linguistiques n’ont pas été respectés à plusieurs reprises que sa plainte est moins valable.
La décision du gouvernement d’inclure cette modification me préoccupe beaucoup. Que cherche-t-il à faire? D’autres hauts fonctionnaires qui mènent également des enquêtes, comme l’ombud, le défenseur des enfants, des jeunes et des aînés, ne sont pas tenus par la loi qui encadre leur travail d’inclure ces informations supplémentaires et potentiellement révélatrices dans leurs rapports annuels.
Chaque année, je dépose mon rapport annuel auprès du premier ministre et je rencontre le Comité permanent de la procédure, des privilèges et des hauts fonctionnaires de l’Assemblée législative pour le présenter.
Nous n’avons pas reçu de réponse officielle du premier ministre ou du gouvernement à mes rapports annuels et je n’ai pas été consultée au sujet des modifications proposées à la Loi sur les langues officielles, je ne suis donc pas certaine de savoir à quel « défaut » cette modification tente de remédier. S’agit-il d’une tentative pour diminuer l’importance perçue des plaintes ou pour discréditer certains plaignants? Je ne suis pas sûre.
Il est regrettable que les possibilités offertes par la révision de la Loi sur les langues officielles d’adopter un grand nombre des recommandations des commissaires Yvette Finn et John McLaughlin ne se soient pas concrétisées. En ces derniers jours précédant l’adoption des modifications à la Loi sur les langues officielles, j’ai le sentiment que nous avons manqué une occasion de progresser vers une véritable égalité pour les deux communautés linguistiques.
Toutefois, je tiens à assurer à tous les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises que notre bureau ne révélera pas l’identité des plaignants qui souhaitent rester anonymes, et que leur confidentialité sera préservée. Mon bureau et moi-même continuerons à examiner chaque plainte et à travailler avec les institutions gouvernementales et les autres entités ayant des obligations en vertu de la loi pour résoudre les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent. En fait, c’est ce que nous faisons depuis de nombreuses années avec beaucoup de coopération et de succès. Nous continuerons à louer le beau travail qu’accomplissent de nombreuses personnes dans cette merveilleuse province pour garantir la protection des droits de nos deux communautés linguistiques officielles!