
Mon rêve est qu’il n’yait plus de barrières linguistiques
Durant l’entrevue pour un poste d’enseignant d’immersion en français, on a demandé à Albert Grant s’il serait prêt à enseigner à Blackville. La nervosité et son peu de connaissance de l’anglais l’ont conduit à répondre ce qui suit : « Certainement, je ne suis pas raciste. » On devine les réactions des membres du comité de sélection. Mais ce n’était qu’une question parmi d’autres. Le jeune homme a été embauché et, depuis, il a acquis la maîtrise de l’anglais. Portrait d’un enseignant qui a appris l’anglais en enseignant le français.
Albert Grant a obtenu son baccalauréat en éducation de l’Université de Moncton en 1986. Il n’a pas cherché très longtemps un emploi. « Dans les années 1980, l’immersion a connu un essor incroyable », se rappelle-t-il. « La demande pour des enseignants était très élevée. » Un poste lui a été offert à l’école secondaire Miramichi High School. « Mon anglais était très limité; ce fut un défi », précise ce résidant de Val-Comeau. Il se rappelle les annonces publiques du matin qu’il n’arrivait pas toujours à comprendre. « Mes élèves ont été fantastiques, souligne-t-il. Ils réalisaient mes faiblesses et cela leur enlevait jusqu’à un certain point leur gêne de parler français. Donc, on était là pour apprendre. J’apprenais d’eux et ils apprenaient de moi. »
C’est à l’heure du dîner qu’Albert Grant va améliorer son anglais. Il s’est joint à un groupe d’enseignants du département industriel qui étaient ravis d’aider le nouveau venu. « Je me suis senti accepté dès la première journée. »
Pendant vingt et un ans, Albert Grant a enseigné le français à des élèves de l’immersion. Depuis deux ans, il enseigne aux élèves du programme de français intensif à l’école de Brantville. Malgré ses vingt-trois années d’expérience, M. Grant considère qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. « Les élèves d’hier ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. Les besoins ne sont pas les mêmes. Il faut s’adapter. L’important, c’est d’être humain et d’être juste », dit-il. Comment alors capter l’intérêt des élèves pour une langue seconde? Albert Grant explique qu’il faut trouver cet élément qui rejoint l’intérêt des élèves. « Il faut trouver le pouls de ton groupe. Une fois qu’il est trouvé, tu peux l’exploiter. Cela s’acquiert avec l’expérience », précise-t-il. La passion demeure certes la clef. « Si l’enseignant n’est pas motivé, l’élève ne le sera jamais. »
S’il admet que les parents jouent un rôle clé dans le fait que leur enfant fréquente le programme d’immersion, Albert Grant estime que beaucoup d’élèves constatent l’importance de parler les deux langues après un certain temps. « Personnellement, ce n’est qu’au début de la vingtaine que j’ai commencé à réaliser l’importance de parler anglais », souligne l’enseignant.
Albert Grant croit que les programmes d’immersion et de langue seconde ont non seulement fait progresser le français, mais aussi l’harmonie entre les deux communautés linguistiques. « Les programmes d’immersion ont beaucoup aidé la place du français au Nouveau-Brunswick, poursuit-il. L’ouverture d’esprit est beaucoup plus grande qu’avant. Je pense qu’on est dans une société où on accepte plus les différences de langue. Mon rêve est qu’un jour il n’y ait plus de barrières linguistiques; que tout le monde soit bilingue. »