La richesse des langues
Maria-Laetitia Uwimana connaît bien les défis liés à l’apprentissage des langues : elle en parle quatre. Pour cette jeune immigrante, chaque langue est une clef pour explorer un univers culturel.
Laetitia a grandi un peu partout dans le monde, au gré des affectations que son père, un diplomate, recevait. Née au Rwanda, elle passe les premières années de sa vie au Canada. Puis elle vit au Japon et en Suisse. Au foyer, on parle le français ainsi que le kinyarwanda – la langue nationale du Rwanda et un peu d’anglais. La famille rentre au Rwanda en 1990. Laetitia doit alors rapidement perfectionner son kinyarwanda afin de poursuivre ses études. « C’est une langue chantante, une langue où l’intonation employée est très importante », précise-t-elle. « Selon la façon dont vous prononcez le mot umuryango par exemple, cela signifie famille ou porte. »
Peu de temps après leur retour au Rwanda, la guerre civile éclate. La famille de Laetitia doit fuir le pays dans des conditions très difficiles et se retrouve au Congo, puis au Togo.
Grâce au parrainage de parents déjà établis au Canada, Laetitia, son mari et sa petite fille arrivent à Fredericton en novembre 2005. La jeune femme connaît peu de choses du Nouveau-Brunswick. Elle sait toutefois qu’on y trouve deux communautés linguistiques. « Lorsque j’étais en Afrique, j’avais entendu parler de l’Acadie sur les ondes de Radio France Internationale. J’avais trouvé cela très intéressant, car, pour moi, le Canada francophone se résumait alors au Québec. »
La jeune famille doit relever plusieurs défis : logement, travail, garde d’enfant. Le conjoint de Laetitia doit perfectionner rapidement son anglais afin de trouver un travail. Quant à Laetitia, elle décroche un premier emploi grâce à sa maîtrise du français et de l’anglais. Peu de temps après, elle est embauchée par le Bureau du commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick.
Le concept de langues officielles n’est pas tout à fait étranger à Laetitia. Ses années passées en Suisse l’avaient familiarisée avec l’usage de plusieurs langues dans un même pays. Au sein de son pays natal, la langue officielle, le français, coexistait avec la langue nationale, le kinyarwanda.
Aujourd’hui, Laetitia est enquêtrice. Son travail consiste à traiter les plaintes reçues par le Bureau du commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick. « Nous recueillons les faits entourant la plainte et demandons à l’institution visée d’y répondre. Une fois tous les éléments d’information rassemblés, nous analysons le tout, puis le commissaire rend une décision. »
Malgré son emploi et des enfants à élever, Laetitia trouve le temps de poursuivre des études à temps partiel à l’Université du Nouveau-Brunswick à Fredericton. On s’en doute, elle s’intéresse beaucoup aux langues. D’ailleurs, elle profite de ses études pour perfectionner son espagnol. « J’aime mieux parler à quelqu’un dans sa langue maternelle. Aux gens d’Amérique latine, je parle en espagnol; à un Rwandais, je parle le kinyarwanda, à un Anglais, l’anglais. Cela crée des liens plus forts », explique-t-elle. Elle croit aussi que l’usage de la langue maternelle permet de mieux saisir les subtilités de la pensée. « Selon moi, la langue maternelle est le meilleur moyen pour exprimer une idée, et il n’y a rien de tel que d’avoir un interlocuteur parlant cette langue. » Au foyer, les enfants apprennent trois langues simultanément : le français, le kinyarwanda et l’anglais. « Pour moi, chaque langue est une richesse », conclut Laetitia.